Le Père Noël croit-il en Dieu ?

PEUT-ETRE ENCORE UN PEU. Mais sa foi s’est clairement ébranlée ces dernières années. L’œil et la Flûte profite des fêtes de fin d’année pour revenir sur un sympathique bedonnant personnage mondialement connu, missionné d’être la star annuelle de la fête commémorative de la naissance de Jésus. Attendez, Noël, c’est bien la naissance de Jésus, c’est ça ?

Le Père Noël est hollandais

J’ai des révélations à vous faire sur le Père Noël. Tout d’abord, sachez que le Père Noël est hollandais. Plus ou moins. Je sais, c’est une affirmation un peu abrupte et qui changera certainement le cours de votre vie, mais laissez-moi le temps de justifier par un petit cours d’histoire : Tout commença au XVIe siècle, alors que les réformes protestantes étaient aussi à la mode que le furent les marinières l’été dernier. La fête de St Nicolas fut supprimée dans beaucoup de pays Européens, exception notoire des Pays-Bas qui gardèrent leur Santa Klass à eux (c’est comme ça qu’ils l’appelaient). Puis les Dutch sont partis aux States pour fonder New-York (pour la faire courte), et en ont profité pour présenter Santa Klass aux américains, qui l’adoptèrent sous le nom de Santa Claus. Le Père Noël, fils spirituel de St Nicolas donc, fit ses premières apparitions sous la plume d’un dénommé Clément Clark Moore en 1823, puis sous celle de Thomas Nast qui le revêti de son costume de super-héros au début des années 1860.

Les lecteurs de droite (notez le jeu de mot) et la religion de Noël

Cette partie historique me semblait nécessaire pour balayer vos craintes les plus secrètes sur les liens unissant notre pote barbu à Coca-Cola. Mais on parlera de ça après. Le Figaro avait demandé à ses lecteurs « Noël est-elle pour vous une fête religieuse ? » et ils avaient répondu « oui » à 68%. Mais ça ne compte pas, parce que c’est bien connu, les catholiques votent à droite (c’est l’IFOP qui l’a dit), alors quand un journal de droite pose une question religieuse, on peut s’attendre à ce que le résultat du sondage ne représente pas le français moyen (1m76). Et c’est à cet instant que vous prenez conscience du coup de génie qu’a eu Christine Boutin en créant le parti chrétien-démocrate (non j’déconne). Tout ce rapprochement entre le christianisme et la droite nous amène à nous reposer la question du Figaro : Noël est-elle toujours une fête religieuse ? 

Noël, les profanes et la camionette Laposte

Athée d’origine ne priant Dieu qu'en étant réellement dans la merde, je n’ai vu en Noël que l’occasion de recevoir plein de cadeaux, manger du foie gras et revoir Mamie-Paulette une fois par an. Je considérais le Père Noël comme un vieux barbu vraiment cool qui, étrangement, avait les mêmes bottes que mon père d’une année sur l’autre. Pour remercier ce généreux homme un peu bourru, je lui laissais un biscuit et un verre de lait qu’il entamait à moitié sans jamais finir. Et moi, naïf insouciant du manque de rationalisme de la situation (ne manger que la moitié d’un biscuit ?), je me jetais sur les cadeaux emballés dans le même papier Marionnaud que celui de l’énorme rouleau qu’on avait trouvé devant chez Marionnaud en décembre 3 ans auparavant. J’ai même poussé le vice jusqu’à être impressionné par le courage de cet homme en cape rouge qui n’a pas rechigné à distribuer ses cadeaux alors même que nous avions oublié d’éteindre les flammes de la cheminée, qui ont sacrément dû lui brûler le popotin.

Ma grand-mère avait beau m’expliquer la scène que représentait la magnifique crèche installée au pied du sapin, je m’évertuais à me jouer des anachronismes en faisant monter les rois mages sur le toit d’une fourgonnette Laposte miniaturisée au 1 :43^e qui slalomait dans la paille avant de s’arrêter par dérapage contrôlé devant le berceau du divin enfant. Des fois, quand je n’avais pas fait une liste de cadeaux assez grande, le Père Noël m’offrait une enveloppe contenant un petit billet de 20 ou 50 francs accompagné d’une carte, et je trouvais marrant que le Père Noël ait la même écriture que mon grand-père.

Pendant ce temps là, certains fêtaient pieusement l'anniversaire de Jésus en priant autour d'une dinde cuite dans un silence absolu. Puis ils allaient à la messe de minuit, oubliant les hosties de l'Eucharistie, avant de revenir ouvrir les cadeaux du petit Jésus et de s'autoriser quelques gouttes de Monbazillac avec le foie gras. Le tout sur un doux fond de "Il est né le divin enfant", pendant que nous nous tapions Tino Rossi.
 

Tout cela était il y a bien longtemps, avant qu’un de mes copains en CE1 me demande si je croyais encore au Père Noël. C’était le bon temps. Lorsque mon cerveau ne faisait pas l’association entre "Noël" et "magasins bondés", "queue plus longue que Rocco Siffredi" et  "perte d’un chiffre sur le montant total du compte en banque." Attendez… Magasins bondés, dépense d’argent…

Noël : A qui profite le crime ?

Mais oui, c’est bien sûr ! Eurêka, comme dirait Tintin qui ne nous sauvera jamais de la crise. Noël est l’occasion pour tous les acteurs du système capitaliste (sauf les saisonniers d’été) de terminer l’année en beauté. Augmentation des ventes. Augmentation du CA. Promotions. Vous ne savez pas quoi offrir à votre cousin au 6^e degré ? Profitez de notre offre spéciale Noël : 4 surligneurs pour le prix de 3 ! Et nous, là dedans, fêtant Noël par habitude et plaisir de regroupement familial, sommes les proies de toutes ces actions marketing. Plus encore, nous en sommes les acteurs qui, marchant le pied dans la merde de chien intentionnellement placée sur notre trajectoire, offrons aux entreprises le plaisir et la satisfaction recherchée, leur criant implicitement de replacer l’an prochain la même merde au même endroit, promis on remarchera dedans.

Coca-Cola rafraîchit même le Père Noël !

Coca-Cola fut la première entreprise à génialement utiliser Noël, sous le symbole du Père Noël, pour augmenter ses ventes. C’est l’hiver, il fait froid, tout le monde boit des chocolats chauds près d’un radiateur au fond du bar pour se réchauffer entre deux courses de Noël. Fini l’époque du Coca frais en terrasse entre l’achat d’une paire de tongues et d’un maillot de bain. En 1931, Coca-Cola a donc la sublime idée de manipuler la Terre entière en montrant le Père Noël reprendre ses forces avec une bouteille de Coke entre deux cheminées à ramoner. Et ça marche. 

Pigeons et fiers de l'être

Mais ne nous plaignons pas. Dans le fond, nous aimons ça. Arpenter les rues enneigées, portefeuille à la main, à la recherche d’un cadeau. Rentrer à la Fnac pour acheter un DVD pour sa cousine, en ressortir avec 2 CD, 1 jeu vidéo, 3 livres et 2 DVD. Aller boire un Coca pour reprendre des forces avant d’aller finir de décorer le sapin. Ressortir pour acheter cette immonde bouffe grasse qui va faire gagner un trou à notre ceinture. Accueillir les invités (vous avez même fait une liste cette année exceptionnellement pour pouvoir surligner leurs noms, faute de surplus de surligneurs à la maison). Rire de l’effet du champagne Mumm sur Grand-mère. Déballer ses cadeaux. Voir les autres déballer leurs cadeaux. Puis rentrer se coucher et rester au lit les 3 jours suivants pour digérer, n’en sortant que pour aller chier le foie gras du réveillon.

La morale de cette histoire, c’est que, quoiqu’en pensent les lecteurs du Figaro, les entreprises profitent plus de Noël que Jésus de son anniversaire. Et que Noël rend incontestablement plus hommage au système capitaliste qu’au mec venant tout droit de Nazareth avec ses pieds nus et ses cheveux longs. Mais que finalement, on s’en fout, puisque les chrétiens votent à droite. 

by Shunt